Un volume peut-être moins prenant que le précédent, car en effet, l'auteur tisse de nouveaux rapports entre les personnages pour ensuite les détruire.
Le numéro 4 de cette série est bâti sur
D'un côté, la relation Sô/Mashirô, et de l'autre Kureha/Shinbashi.
Pour les premiers, il y a évolution: alors que Mashirô voyait sans oser le dire en Sô son idéal masculin, dans ce volume, il/elle se bouge enfin le derrière pour atteindre cet idéal, plutôt que de le comtempler béatement et se plaindre. C'est réellement dans ce volume que le héros prend les choses en main.
Ainsi, au début, on voit Mâshirô se soumettre à Sô,avec ce qu'il/elle croit être de la force de caractère (je ne défaillirai pas).
Il (et je vais me tenir à il, plutôt qu'il/elle ou elle, c'est plus court à taper) s'engage dans un combat de force puis se ravise au dernier moment, indirectement grâce à Shinbâshi qui lui remet les idées en place. Selon ce dernier, peu importe le choix de Mashirô du moment qu'il sait ce qu'il fait et qu'il est convaincu du bien-fondé de ses actions. Une autre façon de lui ordonner de trancher entre Kureha et Sô, plutôt que de se laisser séduire par l'une et par l'autre.
C'est en tout cas une jolie métaphore de la période adolescente: la confrontation à des choix plutôt mesquins, la confiance en soi, l'objectivité et la subjectivité. Bien que la vision de l'amour qu'a Shinbâshi soit un peu rigide, elle incite Mashirô à redéfinir son objectif: la "quête de la vérité absolue".
De ce fait, il va chercher à sonder l'âme de l'armure afin de connaître son identité plutôt que le combat "face-à-face, entre hommes", explosant de testostérone, etc. Inconsciemment, le héros a peut-être (enfin) compris que le sexe d'une personne ne se définissait pas par son uniforme à l'école et les conventions qu'elle, et la société en général, prône.
Le fait de regarder un peu les autres plutôt que d'observer son propre nombril lui a au moins fait comprendre en quoi il différait de Sô. Ce dernier se montre dans ce volume de plus en plus entreprenant et pressant, provoquant le héros de toutes les manières afin de le faire céder. Cette assurance est néanmoins contrebalancée par la mainmise que sa soeur possède sur lui. On découvre alors un Sô prêt à accepter ses faiblesses, son besoin d'être avec Mashirô et peut-être même celui d'être guidé. Bref, il a besoin que Mashirô soit une femme pour assumer, lui, à son tour, le rôle de l'homme. Curieusement, il n'arrive pas non plus à se débarrasser de l'emprise de sa soeur ...qui, extrême originalité dans les manga, affectionne son petit frère d'une manière peu commune "ne touche pas à ce qui m'appartient, moi seule peut le sauver".
Du côté de Kuréha et Shinbashi, ce dernier se sacrifie pour obliger Mâshirô à prendre soin de Kuréha. En effet, celle-ci souffre de plus en plus de leur relation inexistante. Ils sont ensemble, mais ce qu'ils se racontent se répète sans cesse, Kuréha n'arrive pas à cerner son petit ami, elle ne peut rien faire d'autre qu'espérer qu'il s'occupe d'elle. On la voit donc de plus en plus repliée sur elle-même, son monde se rétrécit, il n'y a plus que mes allers-retours entre le portable avec lequel elle se confie à Shinbâshi et l'arbre sous lequel elle discute avec Mâshirô, quand cela leur arrive. Ainsi, depuis le début, Kuréha s'est entêtée à montrer ses meilleurs côtés pour reconquérir son cher et tendre, même si elle se rend compte que cela ne marche pas. Tout simplement parce qu'elle n'a pas d'autre choix que supporter et recommencer le même jeu chaque jour. Son "cas" passera sans doute sous le scalpel de Mizushirô par la suite. En tout cas, c'est avec elle que le héros découvre qu'être Kuréha (ou par extension, être une fille) n'est pas aussi facile qu'il avait pu le supposer,car ce n'est pas dans sa nature de distribuer des sourires à tout va ou de se réjouir d'un simple pique-nique (surtout quand il n'y a que des croissants à ce pique-nique o_o). Son rôle est certainement plus difficile à assumer que celui de Mâshirô.
Toutes les réflexions que bâtit Mâshirô semblent avoir été dès le début évidentes pour Shinbâshi, l'amoureux transi, qui a toujours oeuvré en arrière-plan pour rapprocher Kuréha et Mâshirô. Il comprend dans ce volume que tant qu'il représentera l'épaule sur laquelle Kuréha peut s'appuyer, il n'aide pas le couple, il ne fait que pousser chaque partie vers un autre compagnon. C'est par conséquent par contrainte qu'il quitte l'école, réduisant les héros au nombre de 3, diminuant les possibilités pour tout le monde.
Retour au triangle amoureux, avec Mâshirô, fermement décidé à ne pas tomber dans le piège de Sô.
Reste alors encore la question du couple Kuréha-Mâshirô: se sont-ils mis ensemble pour se protéger de leur traumatisme ? pour rassurer leurs convictions quant à la nature des hommes et des femmes ?
Par conséquent, comme l'a énoncé l'infirmière, chaque personnage est un pion tout conditionné pour se mettre en travers du chemin de Mâshirô, pour qu'il apprenne à chaque fois quelque chose sur les relations humaines et pour qu'il puisse effectuer des choix.
Le manga reste subtil mais la manie de l'auteur de créer des personnages et les faire disparaître assez rapidement est assez gênante, elle commence à tourner autour du pot, à jeter Mâshirô dans les bras de l'un puis de l'autre sans fin. Ses réflexions sont tortueuses, nécessaires peut-être, mais il n'était pas forcément bienvenu de leur consacrer tant de pages.
Ceci dit, ce volume est une étape importante : les gêneurs sont évacués, Mâshirô a fini de girouetter, on est à peu près fixé sur les ambitions de chacun et chacune. Mais il m'a quand même un peu lassée, car même s'il y a volonté de la part de l'auteur de montrer qu'un tel choix ne se fait pas en 3 coups de baguette magique, au niveau de la narration comme du scénario, ça commence à ne plus tenir debout. De plus en plus d'allusions sans fin, de phrases à moitié coupées (à celui qui devinera la suite des phrases prononcées par les héros), de séances jeudi infirmerie à la Koukoku Senior High School pour montrer pas grand chose et de coïncidences trop fréquentes et prévisibles qui nous conduisent à redéfinir la notion de coïncidence. Dommage.
Mar 1 Mai - 20:47
